Voyages en Angleterre: pourquoi la quarantaine est toujours imposée aux Français vaccinés

La Grande-Bretagne surveille de près l'évolution du variant Beta en France. Ici le terminal 5 des arrivées à l'aéroport Heathrow de Londres (photo d'illustration) (Photo: DANIEL LEAL-OLIVAS via AFP)
La Grande-Bretagne surveille de près l'évolution du variant Beta en France. Ici le terminal 5 des arrivées à l'aéroport Heathrow de Londres (photo d'illustration) (Photo: DANIEL LEAL-OLIVAS via AFP)

CORONAVIRUS - Un assouplissement, une exception à la règle (pour la France) et un début de querelle diplomatique. Le gouvernement britannique et son équivalent local écossais ont annoncé, mercredi 28 juillet, la fin de la quarantaine obligatoire pour les voyageurs de l’Union européenne, de Suisse et des États-Unis complètement vaccinés contre le coronavirus à partir du lundi 2 août.

Bien que vaccinés, les voyageurs devront cependant toujours faire un test PCR avant leur départ, ainsi qu’un second deux jours après leur arrivée et présenter un schéma vaccinal complet et donc valide aux autorités britanniques, soit 7 jours après la seconde injection des vaccins Pfizer, Moderna et AstraZeneca et 28 jours après l’unique injection du vaccin Johnson & Johnson.

“Nous aidons les gens vivant aux États-Unis et dans les pays européens à retrouver leur famille et leurs amis au Royaume-Uni”, a souligné le secrétaire d’État britannique aux Transports, Grant Shapps, sur Twitter. Jusque-là, les touristes, travailleurs ou familles d’expatriés devaient respecter un isolement strict et contrôlé d’au moins cinq jours en arrivant sur le territoire britannique, le temps d’obtenir un test PCR négatif d’un laboratoire agréé.

Cette mesure, très attendue par le secteur touristique outre-Manche, ne s’appliquera cependant pas aux voyageurs en provenance de France, a précisé le communiqué du ministère des Transports. L’assouplissement ne concerne pas non plus les pays classés sur liste “rouge” par Londres, comme l’Inde ou de nombreux pays d’Amérique du Sud.

Un variant minoritaire en France mais très surveillé en Grande-Bretagne

Cette mise à l’écart de la France, pourtant classée en “orange” comme ses principaux voisins de l’UE, est justifiée par la présence et la circulation dans notre pays du variant Beta (repéré pour la première fois en Afrique du Sud). Cette mutation du virus, qui avait progressé dans certaines régions françaises en avril, avant d’être dominé par le variant Delta, a été dépistée et criblée sur 1417 tests réalisés en France sur la semaine du 17 au 23 juillet 2021, soit 2,3% du total réalisé sur cette période, selon les chiffres de Santé publique France.

Cela peut paraître peu, mais ce variant inquiète la Grande-Bretagne depuis qu’une étude a révélé une efficacité “limitée” du vaccin britannique AstraZeneca contre les formes modérées de Covid-19 dues à ce variant 50Y.V2. Une évaluation officielle des risques, mise à jour le 23 juillet par le gouvernement britannique, parle de “preuves solides d’une neutralisation réduite” de cette mutation par le vaccin du laboratoire anglo-suédois qui a servi à vacciner l’essentiel de la population britannique. Cet ”échappement immunitaire post-vaccinal” est d’ailleurs constaté avec les autres vaccins à ARN messager.

De plus, plusieurs épidémiologistes s’inquiètent de l’efficacité du séquençage réalisé en France et du suivi réel de ce variant. En imposant cet isolement, les autorités britanniques veulent donc se prémunir d’une nouvelle vague alors qu’ils sortent tout juste de leur troisième.

Ces explications n’arrivent pas à convaincre le gouvernement français. “C’est excessif et franchement incompréhensible sur un plan sanitaire”, a réagi le secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, ce jeudi matin sur LCI. “On a été parfois en France dans une situation sanitaire difficile, on comprenait, même si on le regrettait, que certains de nos voisins mettent des mesures dures à notre égard. Là, franchement, tous les pays d’Europe ont vu leur obligation de quarantaine suspendue par les autorités britanniques, pas la France”, déplore-t-il.

Pour Clément Beaune, cette décision “n’est pas fondée scientifiquement et discriminatoire pour les Français car tous les Européens, même des pays avec une situation sanitaire plus difficile que la nôtre, ne sont plus concernés par cette quarantaine, peut-être parce qu’ils ont plus de flux touristiques que nous avec les Britanniques”. Et d’ajouter: “Si j’ai bien compris, c’est au nom du variant Beta qui représente moins de 5% des cas en France et surtout dans des territoires d’Outre-mer (principalement à Mayotte et à La Réunion, ndlr) qui ne sont pas concernés par l’essentiel des flux entre le Royaume-Uni et la France”.

Cependant, comme vous pouvez le voir dans la carte Géodes de Santé publique France ci-dessous, le variant Beta est également bien présent en métropole et parfois même à plus de 30% comme dans l’Aude ou l’Ariège.

La présence du variant Beta (mutation E484Q dans les tests séquencés réalisés en France à la date du 25 juillet 2021. (Photo: Geodes Santé publique France)
La présence du variant Beta (mutation E484Q dans les tests séquencés réalisés en France à la date du 25 juillet 2021. (Photo: Geodes Santé publique France)

“On continuera à maintenir la pression”

Le secrétaire d’État français a indiqué avoir demandé au gouvernement de Boris Johnson de revoir cette décision, expliquant qu’”à ce stade” il n’envisage pas de sanctions ou de mesures de réciprocités, même si le gouvernement français ne l’exclut pas. “On continuera à maintenir cette pression. J’espère que cette décision sera revue le plus vite possible”, a-t-il ajouté. L’ambassade du Royaume-Uni en France a indiqué au Parisien que la décision pourrait être revue la semaine prochaine, lors d’une réévaluation de la situation.

Le Royaume-Uni, l’un des pays européens les plus endeuillés par la pandémie avec plus de 129.000 morts, traverse actuellement une vague épidémique attribuée au variant Delta, malgré une décrue notable depuis une semaine. Cette baisse se constate également aux Pays-Bas depuis la mi-juillet et l’Espagne semble l’entrevoir ces jours-ci.

L’opposition travailliste, par la voix de son numéro deux, Angela Rayner, a jugé l’assouplissement annoncé mercredi “imprudent”, s’inquiétant du risque d’importation de nouveaux variants. Le ministre de la Santé, Sajid Javid, a cependant défendu une mesure permise par le succès des campagnes de vaccination aussi bien au Royaume-Uni (plus de 70% des adultes complètement vaccinés) que dans l’UE et aux États-Unis, qui va apporter “un coup de pouce à l’économie”.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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